La Ménagerie de Verre à l’Epée de bois jusqu’au 8 février

La Ménagerie de Verre à l’Epée de bois jusqu’au 8 février

texte de Tennessee Williams, traduction d’Isabelle Famchon et mise en scène d’Eric Cénat

Vu par Chaska W.

Une curieuse Ménagerie de Verre à l’Epée de Bois

Nous entrons au sein d’une famille où nous découvrons une jeune fille, Laura, qui est le personnage principal, avec son frère Tom et sa mère Amanda, et dont l’absence du père nous est indiquée. La jeune n’allant plus à l’école, la mère demande à son fils de trouver un jeune homme avec qui Laura pourrait se marier. Ce jeune homme se trouve être Jim O’Connor, ami d’enfance de Laura et son frère, mais c’était aussi le garçon dont elle était amoureuse au lycée.

Le décor m’a plu : il y a un cercle formé par des petits chevaux (la ménagerie de verre de Laura) dont elle ne sort que très peu, comme pour montrer qu’elle ne sort pas de sa zone de confort, de son monde. La scène est divisée grâce à des rideaux en tuile ce qui permette de séparer le plateau en plusieurs parties tout en laissant transparaître les acteurs. En revanche, lorsqu’il y a une évocation du père, il y a une inscription qui disait « Hello, Goodbye » qui passe sur les rideaux avec une légère musique qui l’accompagne. Dans un premier temps, j’ai trouvé cette idée originale mais dans un second temps j’ai trouvé que ce procédé était beaucoup trop répété et redondant, on s’en lasse facilement je trouve. Les costumes sont assez simples et contemporains. J’ai beaucoup aimé le jeu d’acteur de Laura et de Jim, je les ai trouvés fluides et captivants, au contraire de celui de la mère que j’ai trouvée beaucoup trop exagéré, même si j’imagine que cela faisait partie du rôle. Le frère aussi jouait plutôt bien je trouve, surtout dans les scènes de colère. Je suis donc restée mitigée par cette pièce parce qu’il y avait de très bons moments, mais des moments aussi peut-être un peu longs et répétitifs.

À voir, surtout pour cette très bonne mise en scène.

Vu par Magdalena B.

Le théâtre de l’épée de bois nous propose une mise en scène par Éric Cénat de la célèbre pièce américaine La Ménagerie de verre. Cette pièce remporte un grand succès à Tennesse Williams, qui devient soudainement célèbre.

Cénat place l’action dans l’époque moderne, au début du XXIème siècle, s’éloignant de la pièce originale qui a lieu dans le sud des États-Unis, à St Louis, dans les années 30. Le spectateur peut s’y identifier avec les personnages, qui nous livrent leurs rêves, leurs regrets, leurs folies. L’intrigue est basée sur les souvenirs de jeunesse de Jim Wingfield qui raconte l’histoire. Une femme, Amanda, élève ses deux enfants après le départ de son mari ; sa fille Laura abandonne ses études à cause de sa timidité, passant ses journées en écoutant les vieux disques de son père et prenant soin de sa collection des petits bibelots en verre ; son fils Tom, un poète contrarié qui travaille à l’usine, rêve de partir ; un ami à Tom dans l’usine, Jim O’Connor, prend des cours de communication et s’intéresse aux nouveautés technologiques. Ce dernier donne des conseils à Laura pour vaincre sa timidité.

Le décor est assez simple. La collection de ménagerie de verre est placée en cercle sur le plancher, au lieu d’une étagère comme dans la pièce traditionnelle. Dans le premier plan il a des coussins et un tourne-disque. À l’intérieur du cercle se trouvent seulement une table et une chaise. La scène est divisée en trois parties par des rideaux et un écran transparent au fond. La lumière est faible, et tout au long de la pièce, lorsqu’un des personnages mentionne le père parti, on peut lire les mots qui traversent un écran sur les rideaux « Hello, Goodbye », les seuls mots écrits par lui sur une carte postale envoyée du Mazatlan. Ces mots sont accompagnés toujours par une mélodie mexicaine. Cela prend la place du portrait du père dans la pièce originale. Un enregistrement est utilisé pour raconter les explications et les souvenirs de Tom dans son rôle de narrateur.

Les personnages portent des vêtements modernes, avec Laura habillée toute en noir, représentant son manque de confiance en soi. Durant la scène de la visite de Jim, la mère porte une longue robe jeune qui peut évoquer la robe de la princesse Belle de Disney. Seulement Jim O’Connor est habillé en tailleur de l’époque des années 1930.

Les comédiens nous transmettent les espoirs, passions et regrets des personnages. Laura, qui semble être une fille ratée, mais qui vit dans son propre univers entouré par ses miniatures en verre. Quand sa figure préférée, la licorne se casse, elle voit cela d’une manière positive. Pour elle cette licorne, transformée en cheval va enfin s’intégrer avec les autres chevaux. Mais son personnage et celui d’Amanda Wingfield sont interprétés en s’éloignant des personnalités conçues par Tennessee Williams, car dans plusieurs scènes elles se comportent comme des femmes hystériques, ce qu’on ne trouve pas dans la pièce originale. En général l’adaptation moderne est bien faite, mais elle n’arrive, à mon avis, à transmettre l’esprit des gens du Sud qui est toujours une partie importante chez ce dramaturge américain.

 

Vu par Telma M.

Un drame familial adapté avec justesse et finesse.

Tom, un jeune homme sensible, rempli de rêves, fuit sa vie familiale et professionnelle qui était pour lui étouffante et éprouvante. Il se remémore son ancienne vie avec sa mère et sa sœur, sans leur père, qui les a abandonnés sans donner aucunes nouvelles. Amanda, sa mère, fait tout pour la réussite sociale et professionnelle de ses enfants, une réussite qu’elle n’est pas parvenue à atteindre dans sa propre vie. Elle est étouffante, hystérique et veut à tout prix marier sa fille Laura, timide et mal dans sa peau, qui se réfugie dans sa collection : sa « ménagerie de verre. » Tom se remémore un soir particulièrement marquant : le dîner avec son ami de travail et ancien camarade de lycée Jim O’Connor, invité par Amanda voulant à tout prix le marier à Laura, qui, elle, aimait secrètement depuis le lycée l’ami de son frère. Jim lui faire vivre une soirée inédite, enchantée, qui lui a permis de se libérer de sa timidité le temps de cette parenthèse.

La mise en scène d’Eric Cénat sur le petit plateau de l’Epée de Bois est moderne, ingénieuse, toute en symboles. En effet, Laura est enfermée, encerclée par sa ménagerie de verre qui crée comme une bulle autour d’elle, on voit que c’est le seul lieu dans lequel elle se sent réellement en sécurité. Le plateau est divisé en deux parties par un voile noir, presque transparent. Les personnages font des va-et-vient entre l’avant et le fond du plateau. Cette séparation tout en transparence sert à marquer une rupture entre le monde mental de Laura mais aussi et surtout entre les souvenirs de Tom et le présent de la narration. Lorsqu’il raconte l’histoire, il est seul, à l’avant-scène. Ce système de voilages est bien pensé, seulement, le fait que les acteurs touchent de façon récurrente ces rideaux, enlève l’aspect magique et imaginaire de ce dispositif qui devient un élément du décor dont les personnages se servent comme des rideaux classiques, mais qui sont censés être une frontière mentale dont ils n’ont normalement pas conscience. Lorsque les personnages mentionnent le père, à chaque fois, ils se tournent dos au public, une petite musique mélancolique retentit et deux mots sont projetés sur les rideaux : « Hello, Goodbye ». Ce choix de mise en scène aurait pu être intéressant s’il n’avait pas été si répétitif puisque l’on finit par s’y attendre, il n’y a plus aucun de surprise et cela devient redondant. Le jeu des acteurs est au début difficile à cerner, notamment celui de Claire Vidoni qui interprète Amanda, un personnage dans une permanente hystérie, qui s’énerve et crie beaucoup. On s’attache finalement au personnage et on ressort de ces 1h55 de spectacle en devant admettre que Claire Vidoni livre tout de même une Amanda très énergique et même touchante. Laura Segré est bouleversante dans son rôle de Laura, qu’elle interprète avec beaucoup d’émotion et de justesse. Charles Leplomb (Tom) et Augustin Passard (Jim) interprètent à la perfection leurs deux personnages, Augustin Passard, excelle particulièrement tant son jeu regorge de naturel et de vérité.

C’est donc une mise en scène, qui, malgré quelques imperfections et maladresses, est audacieuse, moderne et ingénieuse. Les acteurs sont tous bons et la pièce, alliant émotion, humour et même parfois quelques instants de danse, est bien rythmée.

Vu par Anna B.

DJL : La Ménagerie de Verre, par Tennessee William

La ménagerie de verre, par Tennessee Williams un spectacle qui marie la beauté du texte et de sa mise en scène. C’est à travers celle-ci, sobre, lumineuse et musicale, où se mêlent danse et tissus, que l’histoire sombre et pleine de désillusion nous est dévoilée. Il s’agit d’un jeune homme qui aspire à fuir son travail et sa vie morne, passant ses nuits au cinéma à rêver d’aventures. Il rêve de quitter sa famille, brisée par le départ du père, étouffée par une mère anxieuse, mondaine et extravertie, qui a le désir obsédant de trouver un mari à Laura, la jeune sœur handicapée. Dans cette pièce symbolique, Laura elle, représente le passage de l’enfance (incarnée par la ménagerie de verre) à la féminité. Le verre fragile, transparent et délicat, disposé en cercle, prend un éclat inquiétant sous les lumières colorées.

Le spectateur est témoin de la vie de cette famille d’après guerre aux États-Unis. Une famille fissurée, dans laquelle il est happé et ballotté entre les différents conflits intrinsèques. Le partit pris de théâtralité non affichée est juste et tandis que des danses déchaînées et des voix off révèlent doucement les personnages, le spectateur prend goût à l’atmosphère angoissante de la pièce. L’idée obsédante du départ empoigne le public, captivé par la tension qui se dégage des relations complexes entre les personnages.

Dans une salle à l’ambiance intimiste, le public devient témoin d’une vie familiale chaotique, qui se délite progressivement sous ses yeux. La danse devient des mots tandis que les lumières créent des images d’une beauté rare, qui éveille tous les sens. Dans ce studio du théâtre de l’épée de Bois, c’est à un moment de vérité qu’assiste le spectateur.

L’absence du père, bien qu’étant un élément clé de l’œuvre, m’a paru quelques fois un peu trop appuyé, notamment avec l’apparition du « Hello Goodbye », un parti pris osé, mais qui m’a semblé déposséder le texte d’une partie de son mystère en ôtant parfois au spectateur le plaisir de l’interpréter.

 

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