King Lear Syndrome au théâtre Gérard Philipe jusqu’au 4 février

King Lear Syndrome au théâtre Gérard Philipe jusqu’au 4 février

d’après le texte de William Shakespeare, écriture et mise en scène d’ Elsa Granat

 

Vu par Marthe L.

King Lear Syndrome ou Les Mal Élevés, est une pièce écrite et mise en scène par Elsa Granat et dont la dramaturgie est de Laure Grisinger. La pièce est une revisitation moderne de la célèbre œuvre de Shakespeare King Lear. C’est une représentation plutôt longue, elle dure  trois heures et demie, mais le rythme est bon et transporte le spectateur.

King Lear Syndrome ou Les Mal Élevés raconte l’histoire de  3  filles adultes et de leur  père âgé atteint d’une maladie neurologique dégénérative. En effet, il serait atteint d’un syndrome lui faisant croire qu’il est dans la même situation que King Lear. De fait, il veut séparer son “royaume” (héritage) en trois pour ses filles si elles proclament qu’elles l’aiment plus que tout. Comme dans la pièce de Shakespeare, les deux plus âgées acceptent  la demande de leur père et mentent sur l’étendue de leurs amour pour lui tandis que la plus jeune lui explique qu’elle va épouser l’homme qu’elle aime et que ce serait mentir  de dire que  c’est son amour pour son père qui prend le dessus, elle se fait donc “chasser” par son père qu’elle aime pourtant énormément.

L’action prend principalement place dans deux lieux:  le jardin de la cérémonie de mariage de la cadette et l’EHPAD dans laquelle les deux aînées installent le père après avoir abandonné l’idée de l’accueillir chez elles. La première partie commence de façon plutôt comique et très actuelle avec les préparatifs du mariage de la jeune Cornelia, puis, l’œuvre vire au tragique dans la deuxième partie.

C’est une pièce émouvante car elle touche à des sujets peu abordés aussi abruptement au théâtre et au cinéma mais qui parlent à tous. En effet, la pièce décrit la folie dégénérative d’un père, le rôle et le point de vue de ses différentes filles, l’amour filiale, l’inversion des rôles  et la mortalité de nos parents. De plus, la deuxième partie de la pièce décrit la vie dans un EHPAD; l’ennui,  la folie douce ou brutale de certains résidents, les visites des enfants  parfois remplies de malaise et de désolation et les relations amoureuses ou amicales au sein des établissements. L’œuvre traite aussi de  la réalité et des difficultés de la vie d’une aide soignante dévouée dans un EHPAD. Chaque personnage est donc réellement complexe et touchant à sa manière.  L’intérêt de cette revisitation de l’œuvre est  qu’il n’y a pas vraiment de gentils ou de méchants, juste une situation fatale, atteignant chaque individu différemment.

Les comédiens jouant l’aide soignante et le père sont tous les deux de très bons  musiciens et chanteurs, ce qui ajoute de la poésie et du rythme  à la pièce. De plus, les jeux de  lumières et les décors sont de grande qualité et aident les spectateurs à se plonger dans les différentes ambiances amenées par la pièce.  J’ai beaucoup aimé l’équilibre de la mise en scène. En effet, la représentation est un bon mélange de scènes jouées, de pauses musicales et de passages oniriques. Ces changements de rythmes permettent une atmosphère chaotique mais créent une certaine harmonie poétique.

Je ne peux que conclure en disant que c’est une pièce importante. En effet, c’est la revisitation d’un classique de Shakespeare, c’est donc une pièce clé de culture générale. Mais l’œuvre est aussi, à mon avis, très bien adaptée à la société d’aujourd’hui et je n’avais encore jamais vu ces thèmes abordés au théâtre; cette bouffée de vérité m’a donc paru essentielle.  En plus de cet aspect sociologique/ psychologique, la mise en scène est particulièrement belle et réussie.

 

Vu par Nadège B.

Émotions, cascades et pointes d’humour : Voici un spectacle plein de surprises !

Dans le jardin, la famille fête le mariage de la benjamine. Le vieux père fait un AVC le jour de la cérémonie. À son réveil, il délire et parle de son « grand royaume », atteint du King Lear Syndrome. Ainsi, il se prend pour le Roi Lear, un célèbre personnage de la pièce de Shakespeare. Son nouveau comportement crée des tensions familiales qui poussent les deux grandes sœurs à le placer en EHPAD, incapables de gérer leurs vies tout en s’occupant de lui par elle-même.

Je trouve que le sujet abordé dans la pièce (la vie dans un EHPAD) est très intéressant et peu représenté en général. On y voit les vieux malheureux, fatigués, solitaires et souffrants, les aides-soignantes surchargées, la famille attristée face au non rétablissement de leur parent et aux difficultés administratives de la mort proche de ces derniers.

Même si ce genre de sujet ne passionnera peut-être pas l’intérêt des jeunes aux premiers abords, j’ai tout de même adoré la pièce malgré cette légère crainte, cet a priori que je m’étais fait.

J’ai beaucoup apprécié les efforts dans la mise en scène. Le décor est réaliste. L’utilisation des lumières accentue ce réalisme. Par exemple, des projecteurs sont dirigés de l’extérieur de la scène vers les fenêtres de la maison de retraite. On voit donc l’ombre de ces fenêtres au sol et parfois ces projecteurs permettent de faire comprendre aux spectateurs qu’il y a un orage dehors. Une scène en particulier m’a marquée sur la concordance des lumières à de la scène lorsque les lampes de l’EHPAD s’éteignaient en synchronisation avec les coups que le père se donnait sur la tête. Cela rend la situation plus impactante émotionnellement. Les jeux de lumières sont beaux. L’esthétique du mélange de brume, fumée éclairée par les bougies au début et à la fin de la pièce m’a beaucoup plu.

La musique tient une place très importante aussi. Elle revient de manière récurrente. Il y a une chanteuse et quelques musiciens (guitare, piano, batterie) parmi l’équipe artistique. Cela apporte une petite touche de gaité dans l’intrigue. Les pointes d’humour aussi ont cet effet. Elles sont légères, subtiles et bien placées pile au bon instant.

Je trouve que le tout fait un mélange harmonieux.

L’histoire se déroule durant notre époque. Les décors et costumes sont banals. Cela nous rapproche de leur réalité qui nous concerne. Mais le décalage de certains costumes plus proches du XVIème siècle nous permettent de voir la rupture entre la réalité et le délire du « Roi ». Le décalage est souvent très clair à intercepter. L’ambiance provoquée par la fumée et les bougies dont j’ai parlé précédemment montre aussi les instants hors de la temporalité de l’histoire et des spectateurs qui la regardent. Et surtout le décalage de discours lorsque le vieux père récite des passages de l’œuvre de Shakespeare King Lear qui a inspiré l’histoire. Ces petites touches suffisent car comme le dit la metteuse en scène :  » William Shakespeare fait une merveille mais ce n’est pas un musée, c’est un jardin dans lequel je vais biner parce que tout ce qui était parlant en 1608 ne l’est pas forcément en 2022. »

J’ai adoré une des scènes finales où les trois filles du père se retrouvent à la place des anciens à être nettoyées avec un linge, que frottent les personnes âgées de la maison de retraite en robes d’époque Shakespearienne sur la peau, entourées de bougies. Je me suis sentie à la place des jeunes femmes en me disant que la vie est quand même assez courte et qu’un jour ce sera moi sur ce fauteuil.

La fin de l’œuvre bouclait bien la pièce avec le début puisque la benjamine qui n’arrivait pas à montrer à son père l’amour qu’elle lui porte par les mots réussit enfin à le lui déclarer sur son lit de chevet.

Il n’y a pas de personnage mauvais. On nous donne un portrait gris de chaque personnalité. Tous souffrent d’une manière ou d’une autre de la situation et tentent de vivre et reprendre parfois le sourire quand ils peuvent. C’est le côté un peu dramatique de l’œuvre. Les comédiens, quant à eux, ont été choisis pour représenter tout type de corps, de visage en dehors des standards de norme. Ils jouaient tous d’une manière très expressive. J’ai trouvé que certains étaient bons tandis que d’autres m’ont perturbé par leur expressivité qui m’a semblé un peu trop extrême. Les cascades des disputes ou d’affection ou de pardon m’ont bien fait rire par leurs extrémités.

Le spectacle était très émouvant. Un mélange de tristesse, de petites touches de joie parfois qui fait vivre un bon mélange de bonds émotionnels

Un spectacle qui m’a beaucoup perturbé ! À voir dans son originalité et sa complétude de mise en scène.

 

 

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