BEATIFIQUE au Théâtre du Voyageur jusqu’au 22 mai

BEATIFIQUE au Théâtre du Voyageur jusqu’au 22 mai

 Texte et mes Chantal MELIOR

d’après des textes de François d’Assise et Clément Rosset, Jacques Le Goff, Dante, Walt Whitman, Thomas Wolfe, Jack Kerouac, Herman Melville, Baruch Spinoza, Olivier Messiaen….

Tragédie, philosophie, burlesque, danse et musique  entremêlent permettant l’émergence d’un spectacle brillant, complexe et dense !

L’intrigue se passe en Italie, dans une époque lointaine, au cours de laquelle François, fils d’un riche négociant de tissu, se rend compte, suite à une courte entrevue avec un mendiant, des ravages extrêmes de la pauvreté. Dégouté de ses propres privilèges qui vont à l’encontre de la condition humaine et révolté par la médiocrité argumentative de son père concernant les inégalités sociales, François se déshabille de ses vêtements de pourpre, de sa richesse et de sa vie d’avant, et vient rejoindre un groupe de mendiants. Et c’est parmi eux que François, de la même manière que Candide, mûrit. Ses sens goûtent réellement les réalités crues de la pauvreté, mais savourent également la réelle fraternité, l’union, l’amour et l’amitié qu’il n’a jamais connues auparavant. Sa conscience, guidée de plus en plus par la religion, deviendra celle de Saint François : aimer toute vie, essayer d’être absolument sincère.

Ce spectacle m’a beaucoup plu, j’en ai aimé la dimension satirique, narrative, philosophique, historique et visuelle. Le forme du spectacle mérite d’abord d’être mise en lumière.
Quand je suis rentré dans la salle de spectacle, j’ai tout de suite été surpris par la scénographie initiale : la scène est vaste, mais quasiment dénuée de décors, seul un arbre est planté, au fond côté jardin. Le minimalisme du décor contredit la complexité des personnages et de l’intrigue générale qui s’avère, au-delà de ses aspects comiques, philosophique. Ensuite, l’évolution de l’espace scénique suit brillamment la narration. Les comédiens circulent devant nous (sur la scène), mais aussi derrière. Un comédien s’introduit même dans le public quelques instants afin de répondre à quelques questions, posées par les autres comédiens. A cour, un étage en bois surélève le reste de la scène. Ainsi, l’évolution et la configuration de l’espace scénique participe grandement à la réussite de ce spectacle dont l’originalité est renforcée par le passage grondant et régulier du RER D derrière !
L’intrigue constitue le cœur de la profondeur de cette pièce. En effet, de par l’attitude soi-disant niaise de François, Chantal Melior explore l’amour sous toutes ses dimensions. En remettant en question la notion de béatitude, proche de celle de la niaiserie, elle reconfigure la notion de sincérité, de vie, de partage en rendant ces termes universels et intemporels : les animaux sont également concernés par ces notions, autant que l’être humain. L’auteure insiste également sur la notion de temps qui ne cesse d’être que présent, le temps semble être plutôt propice à l’animal comme l’oiseau : « Nous savons que malgré sa petite santé, nous n’avons pas affaire à quelque ascète lugubre. Sa joie de vivre, sa simplicité, l’innocence de son regard sur le monde, ont fait de lui l’ami du présent qui passe ». Ainsi, l’auteure insiste sur la brièveté de la vie et, de la même manière que Camus dans L’étranger, se moque de tous ces hommes qui ne profitent pas assez de l’instant présent. L’inconscience des animaux par rapport au temps, semble finalement leur rendre service. Aux hommes maintenant de s’en emparer.
Les différents aspects burlesques du spectacle (comme la présence du pape, l’attitude exagérée et caricaturée des personnages), ne font qu’accentuer la dimension philosophique de l’intrigue.

Allez donc voir ce spectacle, et vous serez satisfait d’avoir à la fois ri et mûri.

Charles F.

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